La poutre de Gloire
Article mis en ligne le 14 novembre 2021
dernière modification le 16 mai 2024

La poutre de gloire

Les historiens qui ont étudié l’architecture de l’église Notre Dame n’ont pas relevé, au cours de leur recherche, l’existence d’un jubé.

Cependant, l’ange qui orne la pointe de l’arc triomphal entre le chœur et la nef est datable du XV siècle. Il semble que son rôle n’a pas varié depuis sa création, celui de retenir la partie haute du tref, mot français désignant la poutre barrant l’arc triomphal.

Dans le Cotentin, c’est le terme perque qui sert à désigner la poutre portant le crucifix du chœur.

Il est probable qu’existait à Notre Dame de Saint-Lô un chancel pour fermer le chœur, c’est à dire, comme à l’église de Carentan, une clôture à balustrade.

Au XVIII siècle, avec la Contre-Réforme, les églises s’enrichirent de retables dont nous n’avons pas la description pour Notre Dame de Saint-Lô. De façon à ce que les fidèles puissent bien suivre les offices, la partie basse de l’arc triomphal fut élargit, comme en témoigne les photographies du XIX siècle, avec un encorbellement faisant amortissement de la maçonnerie supérieure.

La perque de Notre Dame de Saint-Lô date de cette période, sans que l’on sache de façon précise la date de sa construction. Le Christ semble plus ancien (XVII siècle).

La conception de la perque est d’une grande simplicité. Quatre éléments courbes ornés d’une volute aux extrémités la compose.

A la jonction centrale de la poutre et de la croix, un décor de feuilles d’acanthe ornemente la menuiserie et lui donne un peu de légèreté.

La symbolique de la perque est bien perceptible avec la présence aux pieds du Christ d’un crâne et de deux fémurs croisés : c’est par le Golgotha que l’on accède au chemin du Paradis. Golgotha étant le lieu-dit de Jérusalem où Jésus fut crucifié. La forme du rocher sur lequel fut planté la croix rappelait celle d’un crâne.

Dans le diocèse de Coutances, jusqu’en 1860, date à laquelle fut introduite la liturgie romaine, la perque avait un rôle dans la vie liturgique que s’est plu à rappeler l’abbé Marcel Lelégard (1925 - 1994) dans la revue Art de Basse-Normandie (n°5, printemps 1957, pp. 16-22).

L’effondrement de la façade et des voûtes de l’église Notre Dame de Saint-Lô en juillet 1944 n’a pas atteint la perque qui s’est présentée surplombant les ruines comme une victoire sur la mort.

L’émotion des saint lois fut forte en regardant la façade ruinée de leur église et le grand Christ étendant ses bras comme dans le vide. Un autre calvaire était à vivre en attendant la résurrection de la ville.

Le Christ représenté comme en apesanteur sur les ruines demeure un symbole inoubliable.

A l’occasion du 70 anniversaire de la Libération, il conviendrait de faire restaurer cet élément mobilier afin qu’il retrouve sa polychromie d’origine non restituée au cours des travaux de reconstruction.

Daniel Jamelot, septembre 2013

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